Que se passe-t-il lorsqu'une société adopte comme dénomination sociale le nom patronymique d'un associé ?
-Article rédigé le 3 décembre 2008
Beaucoup d'entrepreneurs sont tentés de prendre pour leur société commerciale, leur propre nom patronymique, à titre de dénomination sociale. Si cela n'est aucunement interdit par les textes, l'adoption par une société de ce nom patronymique n'est pas sans conséquence pour l'associé qui le porte...
Les termes de la problématique juridique sont les suivants : La vocation première du patronyme est d'identifier une personne physique. À ce titre, le nom patronymique est un droit de la personnalité incessible et inaliénable. Mais il est aussi admis qu'un nom patronymique serve à identifier une personne morale. Également, il n'est pas interdit de déposer à titre de marque un nom patronymique.
Depuis l'arrêt Bordas, il a été jugé que lorsque la personne physique accepte que son nom patronymique soit inséré dans les statuts d'une société, ce nom patronymique devient alors un « signe distinctif qui s'est détaché de la personne physique qui le porte pour s'appliquer à la personne morale qu'il distingue, et devenir ainsi objet de propriété incorporelle ». (Cass. com 12/03/1985 – arrêt Bordas).
Par conséquent, sauf dispositions statutaires contraires, la personne physique est réputée avoir cédé l'usage de son nom patronymique à la personne morale. La personne physique ne peut donc plus interdire à l'entreprise de faire usage de son nom patronymique et même de le déposer à titre de marque (Cass. com 27/02/1990 n°88-19.194 : Bull. civ. IV n°58). Elle ne peut pas non plus porter atteinte à l'entreprise à qui elle a cédé son nom patronymique en autorisant le dépôt et l'exploitation d'une marque identique ou similaire pour désigner des produits et/ou des services identiques ou similaires à ceux commercialisés par celle-ci ; ou encore en autorisant une entreprise concurrente à porter à titre de dénomination sociale ou nom commercial son nom patronymique. Finalement, ce nom patronymique est devenu indisponible pour la personne physique qui le porte sauf à en faire usage dans un domaine d'activité qui ne risque pas de créer une confusion dans l'esprit du public avec l'entreprise à qui elle a cédé son nom patronymique.
Le consentement de la personne physique n'a pas à être exprès, un simple accord tacite suffit. Dans l'arrêt Bordas, la Cour de cassation déduit le consentement de Mr Pierre Bordas de sa signature des statuts dans lesquels est inséré son nom patronymique à titre de dénomination sociale. (Cass. com 12/03/1985 précité). Dans l'arrêt Petrossian, la Cour d'Appel précise qu'il n'est pas nécessaire d'insérer dans les statuts une disposition spéciale concernant l'usage du nom patronymique à titre de dénomination sociale. (Cour d'Appel Paris, 13 janvier 1993, Petrossian)
Le seul moyen pour un associé qui a autorisé l'usage de son nom patronymique par une personne morale, de reprendre l'usage de son nom, c'est de le prévoir contractuellement au moyen d'une clause spécifique dont la rédaction devra être scrupuleuse. À défaut, le nom patronymique non seulement se détache de la personne physique qui le porte, mais également devient un élément du fonds de commerce de la personne morale en tant que nom commercial, enseigne ou marque.
Par dérogation au principe posé par l'arrêt Bordas, « le consentement donné par un associé fondateur dont le nom est notoirement connu, à l'insertion de son patronyme dans la dénomination d'une société exerçant son activité dans le même domaine, ne saurait, sans accord de sa part et en l'absence de renonciation expresse ou tacite à ses droits patrimoniaux, autoriser la société à déposer ce patronyme à titre de marque pour désigner les mêmes produits ou services » (Cass. Com 06/05/2003 – arrêt Ducasse). Cet arrêt de principe limite l'usage du nom patronymique notoire au seul usage directement autorisé par la personne physique. La présomption de cession n'est pas donc admise lorsque le nom patronymique de l'associé fondateur est notoirement connu, étant précisé dernièrement par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 24 juin 2008 que cette notoriété doit être nationale et non pas seulement régionale. (Cass. com 24 juin 2008 Société André Beau c/ Beau).
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